Composition à l'aide de l'ordinateur
DELALANDE. Je voudrais revenir un moment sur ce dont j'ai parlé avant la pause concernant l'invention musicale avec l'ordinateur.
Je vais vous présenter un exemple de création musicale de Silvia, une fillette de 10 ans de Rome qui était accompagnée par un adulte qui lui a enseigné comment utiliser un logiciel qui lui permette de transformer des sons et de faire un montage. Ceci est sa première réalisation : elle a enregistré une goutte d'eau et l'a transformée. La première fois que je l'ai écoutée, cette petite œuvre m'a paru très surprenante : j'ai pensé que c'était sans doute une œuvre de Pierre Henry ! Écoutons.
Il y a ici des trouvailles, il y a des idées originales, il y a une conclusion, une fin : c'est bien une petite composition.
Nous pouvons écouter un autre exemple de la même petite fille réalisé avec sa voix une année plus tard. Elle a utilisé comme texte le menu d'un repas. C'est en fait un poème lettriste ou futuriste de Marinetti, une forme de poésie sonore. Elle a sélectionné quelques mots, des phonèmes qui ne veulent rien dire, ce sont des sonorités et des mots sans signification.
Comme vous le voyez, rien qu'avec sa voix, en prononçant de différentes manières, avec quelques transformations qu'il est possible d'obtenir avec le logiciel, la petite fille joue de façon créative et non conformiste, elle s'éloigne du texte traditionnel (les adultes le font aussi) et développe des transformations phonétiques et sonores en général.
Je voudrais aussi vous montrer une autre œuvre réalisée avec des moyens informatiques plus sophistiqués, faite dans le contexte d'un atelier d'une association – Tempo Reale – de Florence, par des enfants qui disposent de bons ordinateurs et logiciels.
Ce qui est différent dans ce cas, c'est qu'ici ils partent de la manipulation et de l'usage de...
(Il s'adresse aux assistants et demande : « comment quelqu'un d'entre vous m'a dit que cela s'appelait ? ». « Des quotidianophones », répond une voix féminine. « Oui, répond Delalande, l'idée est bonne, des quotidianophones ».)
Donc, les enfants produisent des sons avec des matériaux qui se frottent, se pincent, se percutent, sur lesquels on souffle, etc. tout ce qui se fait avec le corps : l'ordinateur vient après.
(*) Note de la transcriptrice OCM: le mot « quotidianophone » a été utilisé pour la première fois par la pédagogue Judith Akoschky en Argentine (Ed. Ricordi, Buenos Aires, 1988)
Il faut ajouter que l'un des enfants joue le rôle de « microphoniste », étant donné que ces sons sont enregistrés et transformés. Les enfants sont conscients de l'importance du microphone comme dispositif fondamental dans cette étape initiale de la production du son. Il y a différentes étapes dans ce travail : certains sons sont transformés en direct, d'autres sont travaillés en « laboratoire », en temps différé. Et pour finir, ils donnent un concert dans lequel certains enfants produisent les sons en temps réel, sur scène, et d'autres sont devant leur ordinateur et produisent des sons qui ont été élaborés et transformés en laboratoire.
Là, vous pouvez écouter et apprécier le résultat d'un travail de composition collective utilisant les ordinateurs, provenant, comme je l'ai dit, de Tempo Reale de Florence, travail dont deux musiciens sont responsables : Stefano Luca qui a travaillé avec les enfants, et Michele Tadini qui a développé le logiciel.
Delalande conclut la conférence en faisant allusion aux problèmes liés aux systèmes informatiques, à la production de matériel, de logiciels, à la vitesse à laquelle changent les systèmes, les incompatibilités de certains programmes dont la durée est brève, ce qui oblige à changer au bout de quelques années, tous les supports, les modèles, etc. déclarant qu'il est indigné par les changements rapides, l'emprise de certaines entreprises etc.
Ensuite le professeur Sergio Candia, directeur de l' IMUC, évoque la possibilité de faire appel à toutes les stimulations et les provocations proposées par Delalande et les questions que se pose l'auditoire, en plus des inquiétudes qui surgissent, lorsqu'on se demande comment appliquer les nouveautés, les propositions sur notre territoire. Il pense qu'il serait bon de se manifester en précisant ses inquiétudes par écrit, pour relever s'il y a des coïncidences, des convergences et montrer l'intérêt qui apparaît de la part des participants et des institutions présentes, à donner suite à cet espace d'information et de formation dans le futur.
/ trans. ocm/ 2015
Pour approfondir :
Delalande, F, « L'invention musicale chez le compositeur et chez le jeune enfant : observations sur le développement ontogénétique de l'idée musicale », in (collectif) Analyse et création musicales, (actes du 3° congrès européen d'analyse musicale, Montpellier, 1995), Paris, L'Harmattan, p.359-375, 2001.
Delalande, F, « Toward an Analysis of Compositional Strategies », 2007a
A propos de l'invention dans l'interprétation : "Du timbre instrumental à la rhétorique de la 'prononciation'", entretien avec Giovanni Antonini,
Composer avec l'ordinateur, voir Creamus, en particulier : un enfant seul, (Silvia)
Plusieurs classes, Gamelan 01 Description du travail et concert final